La Chaire Edgar Morin de la Complexité de l'Essec
Membre du CEMAS – Centre d’Excellence Management et Société
vous invite à son 25 ème séminaire de recherche
Anne Dambricourt-Malassé interviendra sur le thème :
Notre « corps-conscient » se distingue des autres espèces par l’orientation verticale du système nerveux qui positionne le cervelet au-dessus des pieds. Le cervelet contrôle l’équilibre des mouvements du corps et en particulier ceux de la tête qui le protège au sommet d’un axe vertical. C’est une formidable performance pour le « petit cerveau » qui doit contrôler son propre équilibre tout en évitant la chute du corps en l’anticipant continuellement. C’est une boucle de complexité sans équivalant chez les autres primates qui ne tombent pas grâce à leur quadrupédie. Dès lors, on peut se demander si ce n’est pas cette performance qui a permis au cours de l'évolution, l'émergence de la réflexion consciente «d’être au monde» et «dans la durée» ou encore, l’émergence d’un niveau de conscience, celui d’un corps sensible animé de gestes dont il est nécessaire d’anticiper les conséquences à long terme. La position instable du cervelet résulte d’une très longue évolution qui ne se voit que chez les primates et qui s’est déroulée dans l’utérus des femelles. L’orientation primitive est celle du système nerveux horizontal depuis 530 millions d’années. C’est aussi celle de l’embryon de tout vertébré, Homme compris. L’horizontale a commencé à se rompre au pôle céphalique lors de l'embryogenèse vers 40 millions d’années, puis ce phénomène a augmenté par palier jusqu’au seuil de la verticale des humains actuels. Le processus est la complexité croissante des informations transmises lors de la méiose et nécessaires à l’organisation du système nerveux et à celle de l’architecture du squelette qui l’entoure. Vers 3,8 millions d’années un premier seuil de verticalité imposa la bipédie permanente avec un cervelet en posture très instable, ce sont les hominidés. Ils étaient doués de capacités d’anticipation créatrices comme l’attestent les enchaînements complexes d’outils taillés dans la pierre. Un second seuil accentua la verticalité il y a seulement 200 000 ans avec l’émergence de sapiens et l’explosion de la pensée symbolique pour exprimer la relation du corps-conscient avec son univers sensible et ses anticipations pour en préserver l’équilibre. Cette humanisation des comportements est sans égale dans l'évolution de la vie. L’identité de nos cellules reproductrices est celle de la complexité vivante en croissance dont émergent des êtres vivants capables de prendre conscience de leur passé et de leur avenir, et tout indique qu'elle n'a jamais cessé au cours des derniers millénaires. Il est urgent de le reconnaître pour anticiper des fantasmes projetés sur des transformations artificielles du corps humain, inconscients de cette identité évolutive et potentiellement déshumanisants.
Anne Dambricourt Malassé est paléoanthropologue au CNRS et membre de l’UMR « Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique » au Muséum national d’Histoire naturelle. Elle y enseigne depuis 1990 et anime des séminaires de l’école doctorale sur les origines et l’évolution de l’Homme. Ses recherches ont provoqué un changement de paradigme sur les origines de l’anatomie humaine en s’intéressant au redressement du système nerveux depuis les plus vieux primates quadrupèdes. Elle a été secrétaire générale de la Fondation Teilhard de Chardin (Muséum national d'Histoire naturelle), archéologue consultante au Ministère des Affaires Étrangères et membre du Conseil national des universités. Elle est co-fondatrice de l’association FREHOPS – Fédération des Recherches sur l’Évolution Humaine, l’Ostéopathie et la Posture au Service de la Santé. Elle est également co-fondatrice de l'association Plasticités-Sciences-Arts « entre Sciences, Arts et Humanités ».